16 décembre 2020
N°20034540.
Un Nigérian obtient la protection subsidiaire car il a pu démontrer, d’une part, qu’il est victime d’un réseau de traite des êtres humains, et d’autre part, que sa famille est persécutée au Nigéria parce qu’il a fui le réseau sans avoir remboursé l’intégralité de la dette souscrite pour financer son voyage vers la France.
L’histoire de Monsieur X présente de nombreuses similitudes avec celles de ses compatriotes nigérianes victime des réseaux de prostitution.
Comme elles, il a cru trouver un emploi lucratif en Europe et comme elles, il s’est retrouvé victime d’un réseau de traite des êtres humains. Les membres de ce réseau lui ont fait prêter le serment de rembourser une importante somme d’argent, supposée représenter le coût du voyage depuis le Nigéria vers la France, au cours d’une cérémonie rituelle, le juju.
Une fois arrivé en Europe, Monsieur X a découvert que l’emploi qui lui avait été promis dans un élevage de volailles n’existait pas et qu’il devait se livrer au trafic de stupéfiants ainsi qu’à des fraudes informatiques. Il a refusé d’exercer une activité malhonnête mais il a dû travailler plusieurs années dans des conditions indignes pour rembourser sa dette.
Pour emporter la conviction de la Cour et la conduire à accorder la protection subsidiaire à Monsieur X, qui n’était pas éligible au statut de réfugié, il a fallu démontrer qu’il s’était effectivement soustrait au réseau qui l’exploitait et qu’il courait toujours un grave danger dans son pays.
Pour cela, de nombreux documents ont été rassemblés :
- le contrat par lequel il s’était lié à son passeur et qui explique pour quels motifs il est venu en France ;
- une main courante déposée par le requérant lorsqu’il a constaté qu’il était victime d’un réseau de malfaiteurs et qu’il a pris la décision de le dénoncer ;
- le certificat de décès d’un de ses proches parents, assassiné au Nigéria, conséquence directe du fait que le requérant avait quitté le réseau sans avoir intégralement remboursé sa dette ;
- une déclaration de sa sœur, faite sous serment, relatant le décès du parent assassiné et la destruction de la maison de famille ;
- une lettre de la même sœur disant qu’elle est également menacée et qu’elle a dû, elle aussi, fuir le Nigéria ;
- des échanges de SMS montrant que le réseau auquel le requérant a appartenu malgré lui le menace toujours ;
- enfin, un certificat médical indiquant qu’il présente les symptômes d’une personne qui a subi un stress post-traumatique et qui souffre d’une profonde dépression.
Lorsque de nombreux documents sont ainsi rassemblés, il existe un risque que la Cour les rejette en contestant leur authenticité. Ce qui va permettre d’emporter sa conviction, c’est la cohérence de l’histoire et la spontanéité des déclarations du requérant lors de l’audience.
En l’espèce, Monsieur X a su raconter les circonstances de sa rencontre avec des membres du réseau nigérian, la cérémonie du juju à laquelle il a été soumis, son voyage vers la France et la manière dont il a pu se soustraire au réseau.
C’est sans doute la conjonction du grand nombre de pièces produites et la sincérité des déclarations du requérant à l’audience qui lui a permis d’obtenir la protection subsidiaire.