Cour nationale du droit d’asile,
25 juin 2021
N°21011848.

La régularisation de la situation administrative d’un proche parent peut constituer l’élément nouveau rendant recevable une demande de réexamen.

L’actualité et la réalité des craintes peuvent résulter de l’âge et de l’isolement de la requérante dans son pays d’origine.

« Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage
»
Nicolas BOILEAU – Extrait de L’art poétique (1674).

Le dossier soumis à la CNDA était bien connu de la juridiction puisque c’était la quatrième fois en presque dix ans qu’elle avait à l’examiner.

En 2012, la CNDA avait rejeté le recours de la requérante contre la décision rejetant sa demande d’asile. En 2013, elle avait agréé son recours contre la décision déclarant irrecevable sa demande de réexamen et ordonné à l’OFPRA de l’entendre avant de statuer sur sa demande.

L’OFPRA s’était exécuté, avait entendu la demanderesse, avant de déclarer une nouvelle fois sa demande irrecevable. La CNDA, saisie de cette décision, avant rejeté en 2015 le recours de l’intéressée.

En 2021, la requérante avait adressé une nouvelle demande de réexamen à l’OFPRA qui l’avait une nouvelle fois déclarée irrecevable, faute d’élément nouveau depuis 2015. C’est cette décision qui était soumise à l’appréciation de la CNDA.

Aux termes de l’article L531-42 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, une demande de réexamen n’est recevable que si sont présentés des faits nouveaux, intervenus ou révélés postérieurement au rejet de la demande antérieure, ou des éléments de preuve nouveaux, de nature à modifier l’appréciation du bien-fondé de la demande de protection au regard de la situation personnelle du demandeur et de la situation de son pays d’origine.

En l’espèce, la requérante faisait valoir qu’elle vivait en France depuis plus de dix ans, qu’elle n’avait plus aucune famille au SRI LANKA, que sa mère bénéficiait du statut de réfugié, que son frère s’était vu accordé le bénéfice de la protection subsidiaire et que la situation administrative de son fils avait été régularisée. En outre, elle indiquait que ses sœurs vivaient au DANEMARK où le statut de réfugié leur avait été reconnu, qu’un de ses frères était décédé et que l’autre avait été porté disparu.

Le seul élément postérieur à 2015 était la régularisation de la situation administrative de son fils. La CNDA a également considéré que la requérante, âgée de 67 ans, faisait valoir pour la première fois son isolement en cas de retour dans son pays d’origine, que cet isolement pouvait être tenu pour établi et qu’il augmentait de manière significative la probabilité qu’elle justifie des conditions requises pour prétendre à une protection.

Sa nouvelle demande de réexamen était donc recevable.

La Cour a considéré que ses déclarations permettaient d’établir le bien fondé de ses craintes d’être exposée, en cas de retour au SRI LANKA, à une atteinte grave en raison de sa qualité de femme isolée et vulnérable provenant d’une région anciennement en conflit.

La CNDA a relevé « qu’elle n’a plus de famille dans ce pays et qu’aucune figure masculine ne serait susceptible de lui apporter sa protection, son époux étant décédé avant son départ du pays ».

La Cour, après avoir souligné que la requérante avait invoqué son âge de 67 ans, a cité le rapport « Fokus, Shadow Report to the United Nations Committee on the Elimination of Discrimination Against Women » (CEDAW) d’avril 2016, qui précise que les femmes tamoules continuent d’être victimes de discriminations sociales et économiques.

Elle a en outre mentionné que « L’isolement est un facteur déterminant pouvant accroître la vulnérabilité de ces femmes sans qu’elles puissent se prévaloir utilement de la protection des autorités sri lankaises. Plus particulièrement pour les veuves, les sources publiquement disponibles, telle que le rapport de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés publié en mars 2013, intitulé « Sri Lanka : situation des femmes », ou encore le rapport de mission de l’OFPRA, publié en mars 2011, tendent à souligner que, victimes de discriminations et d’ostracisme, elles constituent une catégorie de personnes vulnérables et qu’en l’absence de plan d’action national contre les violences dont elles sont victimes, les femmes sont réticentes à porter plainte, tant par peur des représailles que du fait de la rareté des condamnations ».

La CNDA en a déduit que la requérante est exposée à des atteintes graves au sens de l’article L. 512-1 2° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en cas de retour au SRI LANKA, en raison de son âge et de son isolement, sans être en mesure de bénéficier de la protection effective des autorités.

Elle en a conclu qu’elle était fondée à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire.