Cour nationale du droit d’asile
28 octobre 2020
N°20017218.

Un journaliste congolais, persécuté par les autorités de son pays, se voit reconnaître le statut de réfugié en raison des opinions politiques qui lui sont imputées.

La candidature de Martin FAYULU aux élections présidentielles de décembre 2018 a fait naître de grands espoirs chez certains Congolais. Ceux qui le soutenaient ont été scandalisés par les résultats des élections qui ont consacré la victoire de Félix TSHISEKEDI.

Le requérant, qui exerce la profession de journaliste, a réalisé un petit reportage très critique dénonçant l’accord conclu entre le Président élu TSHISEKEDI et le Président sortant KABILA, ainsi que la disparition de 15 millions de dollars américains dans des conditions pouvant engager la responsabilité de membres du gouvernement du Congo.

C’est à partir de la diffusion de ce reportage que ses ennuis ont commencé.

Il a reçu des menaces par téléphone, des individus se sont présentés au domicile de sa famille et des hommes, qu’il soupçonne être des agents des services de renseignements, ont cherché à entrer en contact avec lui au siège de la télévision où il travaillait.

Il a réussi à quitter le CONGO grâce à la complicité d’un ami travaillant à l’aéroport.

Durant son séjour en FRANCE, il a appris l’arrestation de son cameraman et sa propre convocation par les services de l’ANR (Agence Nationale de Renseignements). Il a alors présenté une demande d’asile qui a été rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Si la Cour nationale du droit d’asile a annulé la décision de l’OFPRA, les motifs suivants n’y sont sans doute pas étrangers :

  • le requérant a su répondre à toutes les questions qui lui ont été posées sur son métier de journaliste, sur la production des émissions, sur ses projets professionnels ;
  • la disparition de son cameraman a été documentée, citée dans plusieurs articles de journaux ;
  • des rapports d’ONG congolaises dénonçant les persécutions des journalistes (au nombre desquels figurait le requérant) ont également été transmis à la Cour ;
  • la convocation du requérant devant les services de l’ANR a pu être présentée et son authenticité n’a pas été contestée ;
  • des photographies de son frère, passé à tabac par des hommes en armes à la recherche du requérant, ont aussi été transmises à la Cour.

Enfin, un point a été mis en exergue : ce journaliste avait une situation matérielle confortable au CONGO. Il était directeur de production d’une chaîne de télévision et il s’apprêtait à créer sa propre chaine, tout en produisant des émissions.

Lorsqu’il a présenté sa demande d’asile depuis la FRANCE, il continuait d’exercer son métier, mais dans des conditions bien plus précaires qu’au CONGO, en postant des reportages sur Youtube.

Il a ainsi été soutenu devant la Cour que s’il demandait l’asile, ce n’était pas par confort mais parce qu’il n’avait pas d’autre choix pour sauver sa vie ; parce qu’il était réellement menacé au CONGO.

La Cour a finalement fait sienne la thèse qui lui était présentée, à savoir que le pouvoir en place n’avait pas admis qu’un journaliste critique son action et qu’il entendait lui en faire payer le prix.

C’est donc très logiquement que le statut de réfugié lui a été reconnu.