Cour nationale du droit d’asile,
11 mai 2021
N°20043749.

Les personnes homosexuelles constituent, au Pakistan, un groupe social dont les membres sont, en raison d’une caractéristique commune qui les définit aux yeux des autorités et de la société, susceptibles d’être exposés à des persécutions.

Le requérant, qui a pu démontrer son appartenance à ce groupe social, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié en raison de la réalité et de l’actualité de ses craintes en cas de retour dans son pays.

Le code pénal pakistanais, héritier du code pénal indien, lui-même directement inspiré de lois britanniques de 1860, incrimine à l’article 377 les « rapports charnels contre la nature ». De tels actes, qui visent indirectement les relations homosexuelles, sont aujourd’hui encore punis d’une amende et d’une peine de deux à dix ans d’emprisonnement.

Si cet article du code semble rarement appliqué, la société pakistanaise apparaît très majoritairement hostile à l’homosexualité, à tel point que la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) considère que « les personnes homosexuelles constituent, au Pakistan, un groupe social dont les membres sont, en raison d’une caractéristique commune qui les définit aux yeux des autorités et de la société, susceptibles d’être exposés à des persécutions ».

En l’espèce, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) avait considéré que la réalité de l’homosexualité du requérant n’était pas établie et qu’en conséquence, les persécutions alléguées ne l’étaient pas davantage.

Or, il est extrêmement difficile de prouver son orientation sexuelle, d’autant que la CNDA a affirmé que « l’article 4 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 […] s’oppose à ce que, dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile, l’OFPRA et la CNDA acceptent et, a fortiori, tiennent compte d’éléments de preuve […] de nature à porter atteinte à la dignité humaine »[1].

Dans ces conditions, c’est la qualité de la prestation du requérant lors de l’audience qui est déterminante. Il doit en effet exposer comment il a pris conscience de son orientation sexuelle, quelles précautions il a prises pour ne pas s’exposer lors des relations amoureuses qu’il a vécues, et dans quelles circonstances son homosexualité a finalement été découverte.

Il doit ensuite décrire les persécutions qu’il a endurées et comment il a pu fuir son pays avant de trouver refuge en France.

Dans cette affaire, la Cour a relevé que le requérant avait « décrit de manière précise, personnalisée et circonstanciée son cheminement personnel durant sa jeunesse eu égard à son orientation sexuelle et les conditions dans lesquelles il a pris conscience de son attirance pour son camarade de classe. En ce sens, il a mis en évidence à l’audience le caractère platonique initial de cette relation, exposant son évolution au fil des années avant qu’elle ne prenne une nature sentimentale. Par ailleurs, il a donné des indications détaillées sur son compagnon, avec lequel il a fui le Pakistan et vit toujours actuellement en France.

 En outre, il a relaté en des termes crédibles les précautions qu’ils prenaient pour se rencontrer, n’empêchant pas que des soupçons soient nés dans leurs familles respectives, ce pourquoi ils ont quitté leur localité pour travailler dans une ville voisine puis à Karachi. M. —— a également précisé les précautions qu’il prenait avec son compagnon, à Karachi, travaillant tous deux de nuit à l’usine et vivant dans une même chambre. Enfin, il a relaté en des termes précis et plausibles les circonstances dans lesquelles cette relation a été découverte par leurs familles puis à Karachi, les obligeant à fuir le Pakistan ».

Ainsi, pour emporter la conviction de la Cour, il importe de livrer un discours cohérent et crédible sur la réalité de l’orientation sexuelle et les risques qu’elle fait courir dans le pays d’origine. Lorsque ces deux conditions sont réunies, le statut de réfugié est reconnu.

[1] CNDA 29 octobre 2015 N°15006472.