Cour nationale du droit d’asile,
9 novembre 2021
N°19048452.

Parce qu’il a convaincu la Cour nationale du droit d’asile de la réalité de son engagement politique au sein du parti nationaliste du Bangladesh et qu’il a pu démontrer les persécutions qu’il a subies de ce fait, un Bangladais s’est vu reconnaître la qualité de réfugié.

Le Bangladesh comprend deux principaux partis politiques : la ligue Awami, actuellement au pouvoir, et le parti nationaliste du Bangladesh (BNP), dont le requérant était un militant actif.

Depuis la réélection de la ligue Awami, le 5 janvier 2014, les membres du BNP font l’objet de persécutions. Celles-ci prennent notamment la forme d’accusations mensongères qui conduisent à l’arrestation des mis en cause. Entre 14 000 et 18 000 personnes auraient été incarcérées de façon injustifiée dans les quinze mois qui ont suivi les élections du 5 janvier 2014[1].

Dans le présent dossier, le requérant faisait l’objet de trois procédures pénales :

  • la première pour violences volontaires contre des membres et des leaders de la ligue Awami ;
  • la deuxième pour détention illégale d’armement et de stupéfiants et
  • la troisième pour meurtre d’un membre du parti bénévole de la ligue Awami.

Devant la gravité des accusations portées contre lui, et compte-tenu de l’affiliation politique des prétendues victimes dans la première et la troisième affaire, Monsieur X savait qu’il ne pouvait rien attendre des autorités judiciaires de son pays. Il s’est donc réfugié dans la clandestinité, tout en rendant régulièrement visite à sa famille à la nuit tombée.

Ses adversaires politiques l’ayant appris, ils ont attaqué son domicile une nuit où il s’y trouvait. Il a été violemment agressé, sa femme a subi les pires outrages en sa présence et leur fils de dix-sept mois a été étouffé sous leurs yeux. Les assaillants ont quitté les lieux après avoir incendié leur maison.

Monsieur X et sa femme ont été sauvés des flammes par des voisins qui les ont conduits à l’hôpital. Quelques temps plus tard, Madame trouvait refuge dans sa famille tandis que Monsieur quittait le Bangladesh et parvenait à se rendre en France où il demandait l’asile.

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande au motif que ses déclarations paraissaient récitées. Il en a conclu qu’elles ne permettaient pas de tenir les faits allégués pour établis et de regarder comme fondées les craintes de persécution exprimées.

Pour convaincre la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) que l’OFPRA avait commis une erreur d’appréciation, il a été demandé à Monsieur X de réunir des éléments permettant de corroborer ses dires.

C’est ainsi que les documents suivants ont pu être rassemblés :

  • une lettre de son avocat bangladais transmettant la copie des trois actes d’accusation dressés à son encontre ;
  • les bulletins de sortie de l’hôpital mentionnant succinctement ses blessures et celles de sa femme ;
  • le certificat de décès de leur enfant.

Ces documents ont été produits à l’appui de deux mémoires complémentaires destinés à répondre aux objections de l’OFPRA et à justifier la demande d’asile.

Toutefois, au-delà de ces documents, dont l’authenticité est toujours sujette à caution, ce sont les déclarations du requérant lors de l’audience qui ont achevé de convaincre les magistrats de la CNDA de la réalité de l’engagement politique du requérant et des persécutions qui s’en sont suivies.

L’audience a duré près d’une heure trente, au cours de laquelle Monsieur X a longuement été interrogé sur ses convictions politiques.

Il a su expliquer les différences de programme entre la ligue Awami et le BNP, tout en décrivant son cheminement personnel, depuis le discours de la Présidente du parti, Khaleda ZIA, en 2014 à Munshiganj, jusqu’à ses fonctions de secrétaire à la propagande du Jubo Dal, la branche « jeunesse » du BNP.

Il a également décrit ses activités militantes avec précision, évoquant la distribution des tracts, le collage des affiches du parti, l’annonce des réunions dans des haut-parleurs ou encore les actions sociales organisées par le Jubo Dal pour gagner les faveurs de la population.

Enfin, il a relaté les circonstances de l’agression de toute sa famille avec une profonde émotion. Lorsque la Cour s’est étonnée qu’il soit encore vivant alors qu’il avait été grièvement blessé et que sa maison avait été incendiée, il a expliqué que sans le secours de ses voisins, il aurait sans doute péri avec sa femme dans l’incendie.

Monsieur X craignait à la fois la justice de son pays, car trois procédures sont toujours pendantes contre lui, mais aussi la violence des représentants de la ligue Awami, lesquels ne redoutent nullement les autorités judiciaires bangladaises puisque ces dernières refusent de prendre les plaintes déposées à leur encontre.

A l’issue d’une audience éprouvante, la CNDA a entendu sa détresse puisqu’elle a annulé la décision de l’OFPRA et lui a reconnu la qualité de réfugié.

[1] Rapport de mission en République populaire du Bangladesh effectuée du 2 au 4 avril 2015 par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, avec la participation de la Cour nationale du droit d’asile (page 13).