Tribunal judiciaire de Nanterre
26 octobre 2022
N° de parquet 22199000368

Lorsque des échanges constructifs ont lieu avec le Procureur, qu’un accord est trouvé sur  la peine la plus adaptée et que celle-ci est homologuée par le juge, la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est un moyen efficace de rendre la justice.

Le succès d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité dépend de la bonne volonté de tous les acteurs de la procédure : d’un côté le Procureur, qui doit accepter une véritable négociation sur la peine, de l’autre le prévenu, qui ne doit pas oublier qu’il a commis une infraction qui appelle nécessairement une sanction, et enfin le juge, qui ne doit pas manquer d’homologuer un accord équilibré [1].

Tel a été le cas devant le tribunal judiciaire de Nanterre ce 26 octobre 2022.

Le client du cabinet reconnaissait avoir commis trois infractions :

  • avoir conduit un véhicule en ayant fait usage de produits stupéfiants en état de récidive légale ;
  • avoir conduit un véhicule malgré l’invalidation du permis résultant du retrait de la totalité des points ;
  • avoir mis ou maintenu en circulation un véhicule sans être couvert par une assurance garantissant sa responsabilité civile.

Il considérait qu’une peine d’emprisonnement avec sursis sanctionnerait justement les infractions commises, tandis qu’il appréhendait de se voir interdire de repasser son permis de conduire pendant une longue période.

En effet, titulaire d’une carte professionnelle de conducteur de voiture de transport avec chauffeur (VTC), il souhaitait pouvoir exercer de nouveau sa profession le plus rapidement possible. Enfin, une peine d’amende apparaissait inappropriée dans la mesure où il connaît actuellement de graves difficultés financières.

Le Procureur de la République proposait les peines suivantes :

  • l’annulation du permis de conduire (obligatoire en cas de récidive légale de conduite d’un véhicule après avoir fait usage de stupéfiants) ainsi que l’interdiction de le repasser avant 6 mois ;
  • 100 jours-amende à 10 euros, autrement dit 1 000 euros d’amende, sauf à passer en prison autant de journées non payées ;
  • l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière.

Le Procureur étant disposé à discuter les peines qu’il proposait, le cabinet a fait valoir trois séries d’arguments pour le faire revenir sur les propositions contraires à l’intérêt du client.

  • En premier lieu, sur l’annulation du permis de conduire et l’interdiction de le repasser, le cabinet a fait observer que son client n’était pas en état de récidive légale, contrairement à ce que mentionnait la prévention.

En effet, la précédente condamnation pour les mêmes faits avait été prononcée et exécutée plus de cinq ans auparavant. Il s’en fallait de quelques semaines mais la présentation du relevé de condamnation a permis d’en convaincre le Procureur qui a admis que l’annulation du permis de conduire ne s’imposait pas et qui a surtout accepté de revenir sur l’interdiction de le repasser avant six mois.

  • En deuxième lieu, sur la peine de jours-amende, il a été démontré qu’elle apparaissait inappropriée en produisant :
    • une attestation de versement du revenu de solidarité active au bénéfice du prévenu ;
    • un avis de saisie administrative à tiers détenteur et enfin
    • la copie d’une demande de remise gracieuse au trésor public pour une somme importante.

Le client du cabinet étant déjà dans l’incapacité matérielle de payer de précédentes amendes, il n’y aurait eu aucun sens à en prononcer une de plus, qu’il n’aurait de toute façon pas pu payer…

Le Procureur l’a admis et a accepté de convertir cette peine de jours-amende en une peine de 6 mois d’emprisonnement délictuel avec sursis qui convenait parfaitement au client, bien déterminé à ne pas commettre de nouvelles infractions.

  • En troisième lieu, il a été demandé que la condamnation ne soit pas inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire. C’est sans doute le point qui a été le plus discuté, le Procureur redoutant qu’il soit de nature à faire obstacle à l’homologation de la peine par le juge.

Ce point était pourtant essentiel pour permettre au client de reprendre son activité de chauffeur VTC qui nécessite d’avoir un bulletin n°2 du casier judiciaire vierge de toute mention.

Pour appuyer la demande d’exclusion, il a été fait valoir que le discernement du prévenu avait sans doute été altéré au moment des faits car il souffrait d’une pathologie psychiatrique qui n’avait pas encore été diagnostiquée. Or, quelques semaines seulement après les faits qui lui sont reprochés, il devait être hospitalisé dans un établissement psychiatrique et y rester pendant plus d’un mois.

La lecture des certificats médicaux établis par les psychiatres montre que l’état de santé du prévenu n’était pas sans rapport avec certaines des infractions commises. En accord avec le client, ces certificats, de même que les arrêtés municipaux et préfectoraux ordonnant son hospitalisation, ont été présentés au Procureur chargé de proposer la peine, puis au juge chargé de l’homologuer.

Il a également été souligné qu’à la date de l’audience, le prévenu avait quitté l’hôpital depuis plus de cinq mois avec un traitement lui permettant de vivre normalement et qu’il n’avait plus commis aucune infraction depuis sa sortie.

Il était donc primordial qu’il conservât un casier judiciaire vierge pour lui permettre d’exercer sa profession et reprendre ainsi sa place dans la société.

Le Procureur a finalement accepté de proposer d’exclure la mention de la condamnation du bulletin n°2 du casier judiciaire et le juge délégué par le Président du tribunal a accepté d’homologuer la peine proposée.

Ainsi, en acceptant une peine de 6 mois d’emprisonnement avec sursis, ainsi qu’un stage de sensibilisation à la sécurité routière (peine dont il n’avait pas été demandé la suppression), le client du cabinet a eu le sentiment d’avoir été jugé avec mansuétude, notamment parce qu’il conserve la possibilité d’exercer sans délai sa profession, dès lors, bien entendu, qu’il aura repassé son permis de conduire.

[1] Pour une description exhaustive de la procédure de CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité), se reporter à l’article ci-dessus intitulé : « Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – Y a-t-il une négociation possible avec le Parquet sur la nature et le quantum de la peine proposée ? ».