Cour d’appel de Paris,
3 avril 2023
Ordonnance N°135
Il appartient au juge judiciaire de vérifier la régularité de l’acte qui le saisit. Si la requête est irrecevable et que le juge des libertés et de la détention n’a pas été en mesure de statuer dans le délai légal sur la poursuite d’une mesure d’hospitalisation complète, il doit en ordonner la levée, sans qu’il ait été nécessaire de démontrer l’existence d’un grief pour le patient.
En mars 2022, Monsieur X a été hospitalisé à la demande du représentant de l’Etat. Quatre mois plus tard, les médecins ont considéré qu’il pouvait rentrer chez lui en suivant un programme de soins.
Monsieur X est donc retourné à son domicile avec un traitement qu’il a scrupuleusement respecté. Chaque mois, il s’est rendu à l’hôpital, conformément au programme établi, sans jamais manquer un seul rendez-vous.
Toutefois, à chacun desdits rendez-vous, il a fait part des effets secondaires difficilement supportables du traitement prescrit et il a expressément demandé à ce que celui-ci soit modifié, sans que jamais ses doléances ne soient entendues.
Au mois de mars 2023, il a oublié son rendez-vous et a aussitôt été contacté par son médecin. Monsieur X s’est immédiatement rendu à l’hôpital où il lui a été annoncé qu’il ne serait pas autorisé à rentrer à son domicile puisqu’il avait été décidé de le placer à nouveau en hospitalisation complète.
Le directeur de cabinet du Préfet de Seine-et-Marne a saisi le juge des libertés et de la détention (JLD) d’une requête tendant à obtenir l’autorisation de prolonger cette hospitalisation au-delà de douze jours.
Le JLD du tribunal judiciaire de MEAUX a autorisé cette prolongation. Monsieur X s’est alors adressé au cabinet LUNEAU Avocat pour faire appel de cette décision.
Devant la Cour d’appel de Paris, le cabinet a soulevé quatre moyens :
- l’irrecevabilité de la requête du directeur de cabinet du Préfet ayant saisi le JLD ;
- le défaut d’information de la commission départementale des soins psychiatriques ;
- l’absence de fondement juridique aux soins contraints subis par Monsieur X entre le 20 avril 2022 et le 20 janvier 2023, et enfin,
- l’atteinte disproportionnée à sa liberté causée par une ré-hospitalisation forcée injustifiée.
La Cour d’appel de PARIS a retenu le premier moyen sans même examiner les trois autres. Elle a en effet rappelé qu’ « il appartient au juge judiciaire de vérifier la régularité de l’acte qui le saisit, y compris au regard de la qualité du signataire de la requête », tout en soulignant que « contrairement aux exceptions de procédure, si le patient soutient que la requête est irrecevable, il n’a pas à démontrer l’existence d’un grief, les dispositions de l’article L 3216-1 du code de la santé publique n’étant pas applicables ».
En l’espèce, la Cour n’a pu que constater, comme l’y invitait le cabinet, « qu’il ne résulte pas de l’examen des documents produits que la requête aux fins de saisine du juge des libertés et de la détention en matière de soins sans consentement figure sur la liste des actes faisant l’objet d’une délégation […] ».
La Cour d’appel de PARIS en a conclu qu’il convenait « de constater l’irrecevabilité de la requête de M. le Préfet de Seine-et-Marne ».
En conséquence, elle a jugé qu’« En l’absence de requête régulière ayant permis au juge des libertés et de la détention de statuer dans le délai légal prévu à l’article L 3211-12-1 sur la mesure d’hospitalisation complète imposée à M X, il [convenait] de constater la levée de la mesure, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens de l’appelant […] ».
Malgré la décision de la Cour d’appel de Paris, les mésaventures de Monsieur X se sont poursuivies et il a fallu retourner devant cette juridiction pour que sa sortie de l’hôpital devienne enfin effective. Voir infra, le commentaire de la décision n°192 du 28 avril 2023.