Cour nationale du droit d’asile,
16 février 2021
N°19046007.

Un mineur afghan obtient le statut de réfugié au motif qu’il craint d’être exposé à des persécutions de la part des Talibans, en raison des opinions politiques qui lui sont imputées du fait de la profession de son père et des études supérieures suivies par son frère.

Au cours de l’attaque de son village en 2016, le requérant, alors âgé de 12 ans, se retrouve séparé de sa mère et de ses frères et sœurs, qui sont portés disparus.

Son père, qui occupait un simple emploi de cuisinier au bénéfice des autorités locales, avait été tué par les Talibans quelques années auparavant car ils lui reprochaient d’être l’employé d’un organisme d’Etat.

Seul son frère aîné, absent lors de l’attaque du village, est en mesure de s’occuper de lui. Or, celui-ci a été menacé de mort par les Talibans qui lui reprochent de refuser de faire le djihad et de suivre des études universitaires.

Les deux frères fuient alors l’Afghanistan et finissent par arriver en France en 2018, après un long périple à travers plusieurs pays. Ils présentent une demande d’asile mais l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) refuse de leur reconnaître le statut de réfugié. L’OFPRA considère en effet que le caractère personnel de leurs craintes ne peut être tenu pour établi.

Cependant, la protection subsidiaire leur est tout de même accordée sur le fondement de l’article L712-1 c) du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Pour l’OFPRA, ils viennent d’une région du monde où le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé entre les forces gouvernementales et plusieurs milices armées, dont les Talibans, atteint un niveau de violence si élevé qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil courrait un risque réel de subir une menace grave du seul fait de sa présence sur le territoire concerné.

Les deux frères ayant été séparés au cours de leur périple, leurs demandes d’asile ont été adressées à l’OFPRA à des dates différentes. Seul le plus jeune des deux frères a pu former un recours contre la décision de l’OFPRA, en tant qu’elle refusait de lui reconnaître la qualité de réfugié. Le plus âgé était forclos.

Le recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) visait à démontrer l’existence d’une menace directe à l’encontre de la famille du requérant, seule à avoir disparu lors de l’attaque des Talibans.

Au cours de l’instruction du dossier, le frère aîné est parvenu à retrouver la trace de leur mère et de leurs frères et sœurs, grâce à l’intervention de compatriotes exilés en France mais restés en contact avec des Afghans. Ils ont ainsi pu témoigner de leur histoire et expliquer qu’ils vivent aujourd’hui reclus quelque part en Afghanistan où ils demeurent traqués par les Talibans.

Le recueil de ces témoignages cruciaux s’est avéré très délicat puisqu’il était nécessaire de trouver une personne qui accepte de retranscrire, dans la discrétion, les propos des intéressés (qui sont analphabètes), avant de les faire traduire en français.

Les attestations, accompagnées des taskeras (pièces d’identité afghanes), de la mère, d’une des sœurs, d’un voisin, ainsi que du chef du village attaqué par les Talibans en 2016, ont finalement pu être rassemblées et transmises à la Cour au moyen d’un mémoire complémentaire.

Pour que le statut de réfugié puisse être reconnu au jeune requérant, il fallait démontrer que les Talibans s’en prenaient à sa famille en particulier.

C’est probablement la sincérité et à la spontanéité des déclarations des deux frères au cours de l’audience, corroborées par les témoignages préalablement rassemblés, qui a permis d’emporter la conviction de la CNDA. La décision de l’OFPRA a en effet été annulée et le statut de réfugié reconnu au plus jeune des deux frères.

Le frère aîné, qui ne pouvait plus contester la décision de l’OFPRA le concernant, aux termes de laquelle il ne s’était vu accorder que la protection subsidiaire, a aussitôt fait une demande de réexamen.