Cour d’appel de Paris
Pôle 2 Chambre 11
9 décembre 2021
Arrêt N°781

Demander à un débiteur récalcitrant de rembourser la dette qu’il a souscrite auprès d’un tiers ne constitue pas une infraction : relaxe confirmée pour la personne pacifique qui tente une médiation entre prêteurs et emprunteur ; l’échec de la médiation et les violences qui s’en sont suivies étant indépendantes de sa volonté.

Cette histoire commence comme l’une des plus célèbres scènes du film « Pulp Fiction », à ceci près que les prêteurs sont de jeunes gens un peu naïfs, au casier judiciaire vierge, tandis que la moralité et les méthodes de l’emprunteur semblent bien plus proches de celles de Jules Winnfield ou de Vincent Vega.

Toujours est-il que les jeunes créanciers, lassés d’être menés en bateau par un débiteur qui n’avait manifestement aucune intention de les rembourser, décident d’en appeler à la médiation d’un oncle plus âgé.

L’oncle-médiateur, qui sera assisté par le cabinet LUNEAU Avocat devant la Cour d’appel de Paris, décide d’aller au domicile du débiteur pour convenir avec lui des modalités du remboursement des dettes contractées.

Il est malheureusement accompagné dans cette démarche par les frères du second prêteur, dont les méthodes vont s’avérer beaucoup plus expéditives.

En effet, alors que l’oncle avait entamé des pourparlers qui promettaient de s’avérer fructueux, l’un des frères du second créancier, au lieu de citer Ezequiel 25 verset 10 comme l’aurait fait Jules Winnfield [1], a préféré user de termes fort peu élégants pour prétendre que la maman du débiteur exerçait le plus vieux métier du monde, tout en le sommant de rembourser immédiatement l’argent qui lui avait été prêté.

Cette technique de négociation assez navrante a instantanément déclenché un pugilat, que l’oncle a tenté d’interrompre en s’interposant entre les belligérants. Parallèlement, la femme du débiteur appelait la police qui intervenait promptement et procédait à l’arrestation des jeunes créanciers, de l’oncle-médiateur et des frères du second créancier, lesquels avaient profité de l’algarade et des échauffourées pour ramasser les effets du débiteur tombés à cette occasion.

Devant la police, le débiteur et sa femme ont prétendu ne jamais avoir souscrit aucun emprunt auprès des jeunes gens. Ils les ont de surcroît accusés d’avoir tenté de les séquestrer en vue d’obtenir une rançon, après les avoir frappé avec une arme.

L’exploitation de la téléphonie des uns et des autres a mis en évidence le fait qu’une somme d’argent avait bien été prêtée, que les jeunes gens voulaient légitimement la récupérer au terme convenu, qu’ils n’étaient pas du tout vindicatifs mais qu’ils s’impatientaient et déploraient les manœuvres dilatoires de leur débiteur.

Quant au revolver avec lequel les prétendues victimes auraient été frappées, il n’a jamais été retrouvé malgré les recherches minutieuses menées par les forces de police.

A l’issue du procès devant le tribunal correctionnel de Bobigny, l’oncle avait été relaxé, de même que les jeunes créanciers. En revanche, les frères du second créancier avaient été condamnés ; l’auteur des coups portés à l’emprunteur étant même incarcéré.

Le parquet ayant fait appel, un nouveau procès a eu lieu devant la 11ème chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Paris.

A l’audience, le cabinet a mis en évidence la démarche pacifique de l’oncle qui n’était présent sur les lieux que pour amener le débiteur à s’engager à rembourser la somme due suivant un échéancier précis, qui n’a porté aucun coup et qui n’a été trouvé porteur d’aucun bien appartenant à la prétendue victime.

La médiation a certes été un échec mais cela ne signifie pas, contrairement à ce que soutenait l’avocat général, que l’oncle avait participé à un vol avec violence en réunion et avec arme [2].

La Cour d’appel de Paris a été sensible à certains arguments de la défense et a ainsi confirmé la relaxe de l’oncle et des deux créanciers :

« Concernant [l’oncle médiateur]

 Le jugement entrepris sera confirmé s’agissant de la relaxe prononcée par le tribunal dès lors que le doute doit profiter au prévenu.

 Il résulte en effet des éléments du dossier et des débats qu’il n’a pas été interpellé en possession des objets dérobés aux victimes, que s’il se trouvait à l’intérieur de l’immeuble, le doute subsiste quant aux violences qu’il aurait commises sur [l’emprunteur] dès lors que [l’oncle médiateur] a toujours déclaré qu’il avait discuté avec lui et que lorsque l’altercation avait éclaté […] il avait tenté de séparer les protagonistes en s’interposant, sans porter aucun coup, ce que les co-prévenus présents […] ont confirmé devant la Cour, qu’il n’a pas été mis en cause de manière circonstanciée par les victimes, qui ont décrit un « petit brun » porteur d’une arme tout en refusant toute confrontation, et dont les déclarations ne sont corroborées par aucun élément matériel (aucune arme n’ayant été retrouvée) ni aucun témoignage ou élément de vidéosurveillance ».

Cette histoire se termine bien pour le prévenu assisté par le cabinet car il a été relaxé, tandis que les frères du second créancier ont été condamnés. La Cour d’appel les a en effet reconnus coupables de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours.

Les jeunes créanciers ont cru bien faire en sollicitant le concours de leurs proches parents. Il est cependant regrettable qu’ils ne se soient pas adressés à Winston WOLFE [3] car il aurait sans doute su résoudre leur problème sans effusion de sang…

[1] Confer le film « Pulp Fiction ».

[2] Devant la Cour d’appel de Paris, l’avocat général a requis une peine de dix mois d’emprisonnement « ferme » contre l’oncle.

[3] Confer le film « Pulp Fiction ».