Juge d’application des peines de Versailles
31 mars 2022
N° 318/2022

Lorsqu’une personne a été condamnée, l’aménagement de sa peine peut dépendre du regard qu’elle porte sur les faits à l’origine de sa condamnation.

Lorsqu’elle prétend avoir été condamnée à tort et qu’elle s’obstine à contester sa culpabilité, le juge d’application des peines peut être enclin à rejeter sa demande.

Dès lors, la question se pose de l’opportunité, pour la personne condamnée, de reconnaître des faits qu’elle n’a pourtant pas commis…

Devant une juridiction de jugement, il peut arriver qu’un malfaisant se prétende innocent. L’un des enjeux du procès est de déterminer s’il a bien commis les faits dont il est accusé. Il est donc compréhensible qu’il clame son innocence envers et contre tout, même si ce système de défense s’avère souvent contreproductif et aggrave la peine prononcée lorsque l’intéressé est réellement coupable et que tout l’accuse. Nier l’évidence est rarement bénéfique…

Devant le juge d’application des peines (JAP), la personne a déjà été condamnée. Si elle l’a été à une peine d’emprisonnement ferme, l’enjeu pour elle sera de ne pas effectuer la peine en prison. L’article 707 du code de procédure pénale (CPP) énonce que le régime d’exécution des peines privatives de liberté vise à préparer la réinsertion de la personne condamnée. Or, ce régime doit être adapté en fonction, notamment, de l’évolution de la personnalité du condamné.

Pour apprécier cette évolution, le JAP cherchera à connaître le regard que le condamné porte sur les faits qui l’ont envoyé en prison.

S’il est coupable, qu’il exprime un repentir sincère et qu’il s’efforce de réparer les torts qu’il a causés, il peut espérer que sa requête en aménagement de peine sera accueillie favorablement. Il peut donc escompter ne pas aller en prison ou, s’il y est déjà, en ressortir avant le terme fixé par la juridiction de jugement.

En revanche, s’il est innocent et qu’il a été condamné à tort, un dilemme va se présenter à lui :

  • doit-il continuer à clamer son innocence, au risque de conduire le JAP à considérer qu’il ne s’est décidément pas amendé, que sa personnalité n’a pas évolué et qu’il ne saurait, pour le moment, bénéficier d’un aménagement de peine ?
  • ou doit-il reconnaître des faits qu’il n’a pourtant pas commis, pour feindre une évolution de sa personnalité que le juge attend pour octroyer l’aménagement de peine sollicité ?

Tel était le dilemme de la personne assistée par le cabinet LUNEAU Avocat devant le JAP de Versailles.

Dans ce dossier, l’intéressé avait été condamné à une peine de 4 ans d’emprisonnement dont deux avec sursis pour des faits qu’il reconnaissait partiellement. Il avait effectué un peu moins d’une année de détention provisoire. Il lui restait donc, une fois déduites les réductions de peine, un peu moins de six mois de détention à effectuer.

Le jour de sa condamnation, Monsieur X était ressorti libre du tribunal car la juridiction n’avait pas décerné de mandat de dépôt à l’audience. Il appartenait donc au JAP de décider ultérieurement sous quelle forme le reliquat de la peine prononcée devrait être exécuté.

Le JAP peut décider d’accorder une libération conditionnelle ou d’aménager la peine de différentes façons, parmi lesquelles le placement à domicile sous surveillance électronique, le placement à l’extérieur ou encore la semi-liberté.

Le cabinet LUNEAU Avocat avait saisi le JAP d’une requête tendant à ce que Monsieur X bénéficie d’une libération conditionnelle en faisant valoir que les conditions posées par le code pour ce type de mesure étaient réunies.

Monsieur X avait en effet accompli plus de la moitié de sa peine d’emprisonnement (une fois les réductions de peine prises en compte) et il manifestait des efforts sérieux de réinsertion. Il s’agissait d’obtenir du juge que la personne condamnée ne retourne pas en prison, en contrepartie de son engagement à justifier d’un emploi, à indemniser les victimes et à suivre des soins.

Le dossier a été examiné lors d’une audience au cours de laquelle le JAP est longuement revenu sur les faits à l’origine de la condamnation. Le condamné a indiqué qu’il regrettait sincèrement ce qu’il avait fait mais il a persisté à affirmer qu’il avait aussi été condamné à tort pour certaines infractions qu’il n’avait pas commises.

Pour rejeter sa demande de libération conditionnelle, le juge a pointé la nature et la gravité des faits. Il a également déploré leur « reconnaissance très partielle par le condamné », considérant qu’il minimisait « la gravité de ses actes » et critiquant le fait qu’il niait complètement avoir commis certaines infractions ; le juge a même insisté sur le fait qu’il les avait pourtant commises…

Pour le JAP, la « vérité judiciaire », autrement dit ce qui a été établi par le jugement définitif d’un tribunal, est LA vérité et s’obstiner à la contester envoie un très mauvais signal sur le degré d’amendement du condamné.

En l’espèce, la sincérité de Monsieur X l’a indéniablement desservi et a concouru au rejet de sa demande de libération conditionnelle. Pour autant, le cabinet ne conseille jamais à ses clients de mentir, à plus forte raison pour qu’ils s’accusent d’infractions qu’ils n’ont pas commises ! Il n’en demeure pas moins que le fait de proclamer son innocence devant le JAP peut s’avérer préjudiciable et conduire ce dernier à rejeter une demande de libération conditionnelle…

Dans ce dossier, le client n’est pas retourné en prison car le cabinet avait aussi demandé, à titre subsidiaire, qu’il effectue le reliquat de sa peine à son domicile, sous surveillance électronique.

Le juge a fait droit à cette seconde demande, ce qui a permis de ne pas compromettre les efforts de réinsertion du condamné et de ne pas interrompre l’indemnisation des victimes qu’il avait déjà commencée à un rythme soutenu.