Tribunal correctionnel de Nanterre
7 février 2025
N° de parquet 25017000313

Un locataire excédé par les nuisances sonores et olfactives qu’il impute à son voisin décide de l’enfumer en lançant un mélange de Destop et d’eau de Javel dans son appartement. Il entreprend dans le même temps de badigeonner la serrure de sa porte avec de la colle forte.

Il est poursuivi pour deux délits : mise en danger délibérée et dégradation du bien d’autrui.

Monsieur X habite un studio. Son voisin habite un studio identique. Leurs fenêtres sont collées l’une à l’autre. Lorsque son voisin fume à sa fenêtre ou qu’il fait brûler de l’encens chez lui, monsieur X est incommodé par l’odeur qui envahit son appartement. Lorsque ce voisin reçoit des amis nuitamment, monsieur X ne parvient pas à dormir. Il se voit alors contraint de quitter son appartement et d’errer dans les rues pour y respirer un air non vicié et retrouver un peu de calme et de sérénité.

Une nuit d’août 2024, le voisin de monsieur X reçoit un invité. Le bruit de leur conversation insupporte monsieur X qui n’a pas la force de sortir de chez lui. Excédé, il s’empare d’un mélange de Destop et d’eau de javel qu’il avait préparé pour nettoyer ses sanitaires et le lance par la fenêtre de son voisin, laquelle lui est très facilement accessible puisqu’il n’a qu’à tendre le bras. Il lance ensuite, sous la porte du studio, le reste du mélange tandis qu’il badigeonne la serrure de super glue, dans l’espoir qu’une fois qu’il aura quitté son appartement, son voisin ne puisse plus y revenir…

Le mélange étant extrêmement malodorant, et sans doute aussi un peu corrosif…, le voisin appelle la police qui se transporte sur les lieux au milieu de la nuit. Il est brièvement hospitalisé et ressort quelques heures plus tard avec un jour d’incapacité totale de travail (ITT).

Dans le même temps, monsieur X est placé en garde à vue. Il en ressortira avec une convocation devant le tribunal correctionnel de Nanterre pour y répondre de deux chefs d’accusation :

  • mise en danger délibérée de la personne d’autrui, délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende et
  • dégradation du bien d’autrui, délit puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

Il s’attache les services du cabinet LUNEAU Avocat qui va plaider la relaxe pour le délit de mise en danger délibérée et solliciter la requalification du délit de dégradation du bien d’autrui en simple contravention de dommages légers.

Sur la mise en danger délibérée de la personne d’autrui.

Monsieur X a commis un acte moralement condamnable en mélangeant de l’eau de javel avec du Destop pour « enfumer » son voisin. Son but était de créer une odeur irrespirable pour faire prendre conscience audit voisin de l’atmosphère qu’il respire lorsqu’il fume à sa fenêtre et que la fumée envahit son appartement.

Pour critiquable que soit cet acte, il ne correspond pas à la qualification prévue par l’article 223-1 du code pénal qui incrimine le délit de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.

En effet, cette qualification ne pouvait pas être retenue pour deux motifs.

  • En premier lieu, parce que le délit de mise en danger suppose la violation d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. Or, monsieur X n’a pas violé d’obligation de cette nature. Il n’existe en effet ni loi ni règlement (au sens de l’article 223-1 du code pénal) interdisant de mélanger de l’eau de javel et du Destop, puis de le lancer chez son voisin…
  • En second lieu, cet acte n’était pas de nature à exposer ledit voisin à un risque immédiat de mort ou de blessure susceptible d’entraîner une mutilation ou une infirmité permanente. Or, le délit de mise en danger délibérée suppose également l’existence d’un tel risque.

Le voisin de monsieur X n’a eu qu’un seul jour d’ITT, essentiellement du fait des démangeaisons induites par le liquide qui a été lancé dans son appartement et en raison  de la gêne occasionnée par l’air devenu brièvement irrespirable au sein de son logis.

Ce qu’il a vécu était extrêmement désagréable mais à aucun moment il n’a couru de risque IMMEDIAT de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, comme l’exige le code pénal pour que le délit de mise en danger délibérée soit constitué.

Le principe de légalité des délits et des peines, conjugué au principe d’interprétation stricte du droit pénal, commandaient donc de relaxer monsieur X.

C’est ce qu’a plaidé le cabinet LUNEAU Avocat et c’est ce qu’a jugé le tribunal.

Sur la dégradation de la serrure 

Monsieur X se voyait également reprocher d’avoir dégradé la serrure de son voisin. Curieusement, il n’était pas renvoyé devant le tribunal correctionnel pour les taches faites par son mélange sur la moquette et le papier peint.

Quant aux dégradations concernant la serrure, un doute subsistait sur l’état réel de celle-ci. La lecture du dossier pouvait laisser supposer qu’elle était soit inutilisable, soit seulement endommagée.

Le cabinet LUNEAU Avocat a fait observer que la partie civile ne produisait aucune facture et que selon toute vraisemblance, elle n’avait même pas eu recours à un serrurier.

Des conclusions aux fins de requalification ont été rédigées pour demander que ne soit plus reproché à monsieur X un délit de dégradation volontaire du bien d’autrui, mais une simple contravention de dommages légers. A l’appui de ces conclusions, il a été joint un article expliquant qu’il était possible d’enlever de la super glue sur du métal avec un peu de dissolvant et d’eau savonneuse.

Là encore, le tribunal a fait droit à la demande du cabinet LUNEAU Avocat et a requalifié les faits.

Monsieur X, qui encourrait une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende au titre de la mise en danger, ainsi qu’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende au titre de la destruction du bien d’autrui, n’a finalement été condamné qu’à une simple amende de 100 euros pour une contravention.