Tribunal judiciaire de Bobigny
22 juin 2021
N° de parquet 21004/287
Un homme s’accuse d’avoir commis une infraction durant sa garde à vue. Il revient sur ses déclarations lors de l’audience et est relaxé de ce chef par le tribunal correctionnel.
Condamné pour d’autres infractions, il ressort libre malgré un casier judiciaire chargé, grâce à son attitude à l’audience et parce qu’il a présenté des gages sérieux de réinsertion.
Le 2 janvier 2021, un homme a tenté de voler le contenu d’un véhicule garé sur le parking d’un supermarché. Alors qu’il venait d’ouvrir la portière du véhicule, son propriétaire et ses deux frères, puis le père de la fratrie, ont tenté de se saisir de lui. Une bagarre s’en est suivie, à l’issue de laquelle deux des frères ont été blessés, ainsi que l’auteur de la tentative de vol.
Deux jours avant les faits, le même véhicule avait déjà été fracturé et les victimes du vol du 31 décembre 2020 avaient décidé de tendre une embuscade au voleur, considérant qu’il reviendrait sur les lieux de son forfait. Ils avaient donc garé leur véhicule au même endroit et attendaient à proximité, cachés dans un autre véhicule.
A l’issue de l’échauffourée, l’auteur de la tentative de vol du 2 janvier 2021 a été appréhendé par les forces de police arrivées sur les lieux. L’un des frères s’est vu reconnaître 10 jours d’incapacité totale de travail (ITT), l’autre frère 7 jours et le voleur 4.
Ce dernier a été renvoyé devant le tribunal correctionnel et le prévenu, assisté par le cabinet LUNEAU Avocat, devait y répondre de 5 infractions :
- une conduite sans permis le 2 janvier 2021, jour de la tentative de vol ;
- le vol du 31 décembre 2020 ;
- des violences volontaires ayant entraîné une ITT de 10 jours sur l’un des frères ;
- des violences volontaires ayant entraîné une ITT de 7 jours sur un autre des frères ;
- une tentative de vol le 2 janvier 2021.
La tentative de vol était reconnue. Les coups portés aux victimes du vol l’étaient aussi mais leur caractère volontaire était nié dans la mesure où le voleur cherchait uniquement à s’enfuir et n’avait à aucun moment voulu agresser les propriétaires du véhicule. La responsabilité du vol du 31 décembre 2020 était contestée.
Enfin, la conduite sans permis avait été reconnue lors de la garde à vue. Toutefois, la présence d’un second homme dans le véhicule avec lequel l’auteur de la tentative de vol s’était rendu sur les lieux des faits était attestée par deux victimes.
Or, lors de sa déposition, l’une d’elle avait assuré que ce second homme était sorti du véhicule du côté conducteur, tandis que l’autre victime avait prétendu qu’il était sorti du côté passager. Les caméras de vidéosurveillance ne permettaient pas de voir le véhicule stationné sur le parking. Enfin, les forces de police étant arrivées après que le voleur ait été maîtrisé par les trois frères et leur père, elles n’avaient donc pas vu qui conduisait le véhicule à son arrivée sur le parking.
L’auteur de la tentative de vol, qui ne disposait plus de son permis de conduire, avait d’abord prétendu être arrivé seul au volant du véhicule pour ne pas impliquer dans ses ennuis judiciaires la personne qui l’accompagnait. S’il a refusé de livrer son identité pour les mêmes raisons, il a finalement reconnu sa présence sur les lieux de la tentative de vol et a indiqué que c’était bien son camarade qui conduisait le véhicule.
Lors de l’audience, il a été rappelé les dispositions de l’article préliminaire du code de procédure pénale suivant lesquelles : « En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui. »
Par ailleurs, compte-tenu de l’absence de constatation effectuée par les forces de police, d’une exploitation stérile de la vidéosurveillance et des déclarations contradictoires des témoins sur l’identité de la personne qui conduisait, le tribunal ne pouvait pas ne pas douter de la réalité de cette infraction.
Il en a tiré les conséquences qui s’imposaient et a prononcé la relaxe du prévenu de ce chef.
En ce qui concerne le vol du 31 décembre 2020, il a été fait observer que, là encore, aucun témoin des faits n’avait pu être entendu et qu’aucun des objets volés ce jour-là n’avait été retrouvé chez le prévenu lors de la perquisition. De plus, la victime du vol avait prétendu que la plupart des objets de valeur se trouvant dans son véhicule avaient été volés le 31 décembre 2020, ce qui tendait à disculper l’auteur de la tentative de vol du 2 janvier 2021. En effet, s’il avait déjà pillé le camion deux jours avant et pris l’essentiel de ce qu’il contenait, pourquoi serait-il revenu deux jours plus tard ?
Finalement, le seul élément incriminant le prévenu pour cette infraction-là était le bornage de son téléphone portable le 31 décembre 2020 dans la zone du supermarché. Or, ce jour-là et dans cette zone-là, bornaient les téléphones de toutes les personnes qui étaient venues faire leurs commissions dans ce supermarché, ce qui n’en faisait pas des suspects pour autant.
Là encore, le tribunal a tiré les conséquences qui s’imposaient de l’absence d’éléments tangibles démontrant la culpabilité du prévenu et a prononcé sa relaxe.
Il l’a en revanche condamné pour les violences volontaires, au motif qu’il avait porté des coups très violents. Il a également été reconnu coupable de la tentative de vol du 2 janvier 2021, qu’il n’avait d’ailleurs jamais contestée avoir commise.
La peine constituait un enjeu important de l’audience dans la mesure où le prévenu avait déjà 17 mentions à son casier judiciaire et qu’un mois avant l’audience il était en prison où il finissait de purger une peine pour une autre infraction.
Le risque qu’il y retourne était d’autant plus élevé que le Procureur de la République avait requis une peine de trois ans d’emprisonnement dont deux ans avec sursis. Le prévenu pouvait donc être réincarcéré le jour-même.
Pour convaincre le tribunal qu’il convenait de donner une ultime chance au prévenu, il a été présenté la facture d’une formation professionnelle que celui-ci devait entreprendre au cours de la semaine suivant l’audience. Il a par ailleurs été souligné qu’elle avait été financée au moyen des économies du prévenu et grâce au concours de sa famille. Enfin, celui-ci a reconnu sa totale responsabilité dans la tentative de vol et a présenté ses excuses aux victimes des coups qu’il leur a portés en tentant de leur échapper.
C’est probablement l’attitude de contrition du prévenu qui lui a valu une certaine mansuétude du tribunal. Celui-ci ne l’a en effet condamné qu’à une peine de 18 mois d’emprisonnement avec sursis (assortie de l’obligation de trouver un travail ou une formation). L’intéressé est donc ressorti libre du tribunal.