Tribunal judiciaire de Bobigny
1er mars 2022
N° de parquet 20203000245
Formellement identifié par des policiers qui l’accusent de se livrer à un trafic de stupéfiants en Seine Saint Denis, le prévenu démontre qu’il était en Bretagne au moment des faits. Le procès-verbal de son interpellation étant de surcroît irrégulier, il est relaxé par le tribunal correctionnel.
Il arrive que les irrégularités s’enchaînent dans une procédure pénale…
Informés des allées et venues incessantes de trafiquants de stupéfiants dans une cité de Seine-Saint-Denis, des policiers effectuent une surveillance des lieux pendant deux jours.
Ils constatent la réalité du trafic et identifient à cette occasion plusieurs délinquants présumés, parmi lesquels Monsieur X, qui sera assisté par le cabinet LUNEAU Avocat lors de l’audience.
Ce dernier est défavorablement connu des services de police et les agents qui réalisent la mission de surveillance l’identifient « formellement ». Ils déclarent se trouver si près de lui, lorsqu’ils assurent leur mission de surveillance, qu’ils peuvent même décrire la couleur des billets qu’ils le voient encaisser et rapporter des propos donnant à penser qu’il s’adonne au trafic de stupéfiants.
Or, durant les deux jours pendant lesquels les policiers décrivent les agissements répréhensibles auxquels ils assistent, Monsieur X est en Bretagne, ainsi qu’en attestent les déclarations de plusieurs témoins, les photographies qu’il a envoyées à sa mère, et surtout, le bornage de son téléphone portable…
Ces faits, que les enquêteurs vont constater sans parvenir à les expliquer, vont valoir une enquête de l’inspection générale de la police nationale aux policiers qui ont « formellement identifié » Monsieur X et rapporté sur procès-verbal des propos qu’il est supposé avoir tenu à un endroit où il ne pouvait pourtant pas se trouver.
Quelques jours après le retour de Bretagne de Monsieur X, celui-ci est interpellé puis renvoyé devant le tribunal correctionnel de Bobigny du chef de plusieurs infractions qu’il va toutes contester.
Le tribunal ne se prononcera pas sur la réalité de chacune d’elle car il va faire droit à une nullité soulevée in limine litis par le cabinet, c’est-à-dire avant tout débat sur le fond du dossier.
Il s’agit du défaut de signature du procès-verbal d’interpellation par tous les agents mentionnés sur le procès-verbal. En effet, alors que sept policiers ont participé à l’interpellation, deux lieutenants de police et cinq gardiens de la paix, seul l’un des deux lieutenants l’a signé, sous la mention « l’OPJ », tandis que l’emplacement figurant sous la mention « Les assistants » est demeuré vierge de toute signature.
Or, l’article 429 du code de procédure pénale dispose : « Tout procès-verbal ou rapport n’a de valeur probante que s’il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l’exercice de ses fonctions et a rapporté sur une matière de sa compétence ce qu’il a vu, entendu ou constaté personnellement. »
Le tribunal correctionnel de Bobigny précise que l’irrégularité du procès-verbal a été soulevée « en ce qu’il n’est signé que par l’OPJ, les assistants pourtant invités à signer également n’ayant pas apposé leur signature sur ce procès-verbal ; ». Il en conclut que ledit procès-verbal est irrégulier en la forme et qu’il doit être annulé.
Tirant les conclusions de ses constatations, le tribunal juge que l’annulation du procès-verbal d’interpellation conduit à annuler l’ensemble des actes subséquents dont il est le support, c’est-à-dire l’ensemble des investigations qui ont suivi l’interpellation. Le prévenu a donc été relaxé.
Le parquet a cependant décidé de faire appel.