Tribunal judiciaire de Nanterre,
19 décembre 2024
Ordonnance N°24/2601
Il arrive que des internes soient amenés à faire des « prescriptions médicales d’isolement ou de contention thérapeutique ». De telles mesures doivent nécessairement être validées par un psychiatre, seul habilité à décider de mesures aussi coercitives, faute de quoi la procédure est irrégulière et l’isolement doit immédiatement prendre fin.
Monsieur X a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 5 décembre 2024. Il a aussitôt fait l’objet d’une mesure d’isolement dont le renouvellement a été demandé à plusieurs reprises par le Directeur de l’hôpital.
Le cabinet LUNEAU Avocat a soulevé l’irrégularité du renouvellement des mesures d’isolement au motif que certaines décisions avaient été prises par un interne et non par un psychiatre, comme l’exige pourtant l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique.
En effet, celui-ci dispose :
« I.- L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. […] ».
Or, il ressortait de la lecture du dossier que le renouvellement des mesures d’isolement avait été décidé, soit par des médecins psychiatres, soit par des internes.
Ce second cas de figure s’est présenté à cinq reprises.
- Trois mesures d’isolement ont été décidées par un interne dont les décisions furent ensuite validées par un psychiatre. Elles pouvaient donc être considérées comme régulières.
- Deux décisions ont été prises par un autre interne sans avoir été validées par un psychiatre. Celles-ci apparaissaient en revanche irrégulières.
Le patient ayant été maintenu à l’isolement par une personne qui n’avait pas qualité pour prendre une telle décision, cette irrégularité lui a nécessairement fait grief. Le cabinet a donc demandé la mainlevée de la mesure d’isolement, demande à laquelle le juge judiciaire du tribunal de Nanterre a fait droit :
« En l’espèce, les avis médicaux établis par Dr. B, qui n’est pas psychiatre, […] n’apparaissent pas, sur le registre, comme ayant été validés par un psychiatre, à la différence des avis établis par le Dr F […] qui apparaissent comme validés par le Dr L, médecin psychiatre.
Il en résulte une irrégularité et une atteinte aux droits du patient au regard du texte précité qui lui cause nécessairement grief.
Il y a lieu, en conséquence, de mettre un terme à son isolement ».
En conclusion, pour s’assurer de la validité de la procédure, il importe de vérifier la qualité de psychiatre de chaque médecin prescripteur, alors même que celle-ci n’est pas toujours mentionnée dans la décision et qu’il s’agit d’une information qui n’est pas forcément simple à obtenir.
Dans le cas présent, l’hôpital avait mis en ligne, sur son site Internet, un annuaire de ses médecins, dans lequel étaient précisés le statut et la spécialité de chacun d’eux. C’est après avoir consulté ce site que le cabinet LUNEAU Avocat a constaté que l’un des médecins ayant prolongé l’isolement de son client n’avait pas la qualité de psychiatre. Le moyen tiré de son incompétence (juridique) a donc été soulevé.
Avant de prendre sa décision, le juge a interrogé l’hôpital sur la spécialité du médecin en question. L’établissement ayant répondu qu’il s’agissait d’un « docteur junior », le magistrat a fait droit au moyen soulevé et a levé la mesure d’isolement, considérant que cette irrégularité faisait nécessairement grief au patient.