TA Cergy-Pontoise,
14 janvier 2020
Décision N°1908122

La présence avérée de nombreux rats, malgré plusieurs opérations de dératisation, au sein de la cité HLM dans laquelle se situait le logement proposé, constitue un motif impérieux justifiant le refus de la proposition de logement.

Une femme habitait avec ses deux enfants de six et dix ans dans un logement particulièrement exigu. Depuis 2015, elle présentait chaque année une demande de logement social qui n’avait jamais reçu de réponse.

Elle a alors formé un recours devant la commission de médiation du département des
Hauts-de-Seine (COMED) et sa demande de logement a été reconnue prioritaire.

En 2019, une proposition de logement lui a été faite mais elle l’a refusée car le logement se situait dans une cité HLM gangrenée par la délinquance et infestée de rats.

L’intéressée n’ayant reçu aucune autre proposition, elle a formé une requête tendant à ce qu’il soit enjoint au Préfet des Hauts-de-Seine, sous astreinte, de la reloger dans les meilleurs délais.

La présence des rats dans la cité HLM était attestée par de nombreux articles de presse faisant état du désarroi des habitants du quartier devant l’inefficacité des campagnes de dératisation.

De plus, l’un des enfants de la requérante était atteint d’une parotidite chronique depuis l’âge de cinq ans. Un certificat médical, joint à la requête, précisait qu’il était indispensable pour cet enfant de vivre dans « un logement décent sans risque infectieux transmissible ».

Au-delà de la présence envahissante des rats, un second motif expliquait le refus opposé par la requérante : l’omniprésence des vendeurs de drogue. La topographie de la cité a en effet érigé cet endroit en véritable plaque tournante du trafic de drogue dans les Hauts-de-Seine.

Là encore, de nombreux articles de presse montrent que malgré l’intervention récurrente de la police, la délinquance est endémique dans cette cité et que le climat d’insécurité qui y règne est insupportable pour les personnes qui y vivent. Le refus opposé se comprenait d’autant mieux que les bandes rivales n’hésitent pas à s’affronter l’arme au poing au pied des immeubles.

Or, le Conseil d’Etat a déjà jugé qu’une situation habituelle d’insécurité dans l’immeuble où est situé le logement proposé, peut constituer un motif impérieux de nature à justifier le refus, du fait de la vulnérabilité du demandeur (CE 10 février 2017, N°388607).

« 4. Considérant qu’il ressort des pièces soumises au juge du fond que Mme A… a motivé le refus du logement qui lui avait été proposé par la circonstance qu’elle avait subi une agression, qu’elle a portée à la connaissance des services de police, lors de la visite du logement le 29 novembre 2013 ; qu’en estimant que Mme A…ne pouvait valablement refuser ce logement pour un tel motif, sans rechercher si, eu égard à sa nature et aux circonstances dans lesquelles elle est intervenue, l’agression dont faisait état l’intéressée suscitait chez elle des craintes légitimes d’être exposée à une situation d’insécurité, le tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit ; ».

En l’espèce, il a été soutenu que le caractère récurrent des actes de délinquance au sein de cette cité, rapporté par de nombreux articles de presse et attesté par la jurisprudence du tribunal correctionnel de Nanterre, avait fait naître, chez la requérante, des craintes légitimes de voir exposée sa famille, composée notamment de deux jeunes enfants, à une insupportable situation d’insécurité.

Il a donc été soutenu qu’eu égard à la prolifération des rats et au climat d’insécurité induit par une délinquance endémique, qui sévissent l’un et l’autre dans les abords immédiats du logement proposé, la requérante avait un motif impérieux, au sens de la jurisprudence du Conseil d’Etat, de refuser la proposition de logement qui lui a été faite.

Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que la requérante avait légitimement refusé la seule proposition de logement qui lui avait été faite[1] et a condamné le Préfet, sous astreinte de 200 euros par mois de retard, à lui proposer un logement avant le 1er mars 2020.

Cette famille a finalement été relogée le 1er janvier 2021. Une procédure a donc été engagée à l’encontre du Préfet pour faire condamner l’Etat à réparer le préjudice subi par cette famille du fait du retard avec lequel elle a été relogée.

[1] Il est à noter que le motif impérieux justifiant le refus du logement ne paraît reposer que sur la présence des rats à l’exclusion du caractère endémique de la délinquance sévissant dans la cité puisque le jugement n’y fait pas référence : « Celle-ci [la requérante] justifie par de nombreux articles de presse qu’à cette date la cité HLM était effectivement infestée de rats, que de nombreuses opérations de dératisation n’avaient pu éradiquer. Ainsi Mme. — est fondée à soutenir qu’elle a fait état d’un motif impérieux de nature à justifier le refus opposé à la seule proposition qui lui a été faite ».

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